C.P. Camille

Enora et les Sept Mondes

Tome I

La Lignée Royale

 

Prologue

Je sens l’eau couler le long de mon dos. La pluie ne cesse de dégouliner le long de mes cheveux et je frissonne de froid.

La joue contre une terre boueuse me réconforte légèrement. J’ai peur, si peur…

Le champ de maïs qui m’entoure semble me protéger. Je resserre un peu plus les pans du drap blanc qui enveloppe mon corps nu.

Cela fait à peine quelques minutes que je suis réveillée dans le noir le plus complet, mais je ne suis pas en sécurité.

Un bruit sourd se fait entendre puis grandit comme des couteaux qui transpercent le vent. Les branches de maïs se plient légèrement pour découvrir le ciel au loin. Trois hélicoptères se rapprochent de moi tous feux allumés me forçant à plisser les yeux.

Je me relève en secouant une main et en tenant mon drap de l’autre.

Mes sauveurs sont arrivés, ils sont venus me secourir.

Chapitre 1

 

Je regarde par la fenêtre la pluie qui ne cesse de dégouliner, le temps est sombre comme toujours. Les hélicoptères dans le ciel tournent au-dessus de la maison, laissant traîner leurs feux sur le sol à la recherche constante de Déserteurs.

Une main passe devant mon nez pour fermer la persienne.

Tu devrais faire attention Enora, ils vont te voir.

Je me retourne vers mon meilleur ami.

Qu’est-ce que ça peut faire, un jour ils nous tueront.

Il hausse les épaules.

Tu viens avec moi ?

Je quitte la banquette, près de la fenêtre, et enfile mon ciré. Max, mon dalmatien, me regarde peiné, se demandant si je vais aller le promener. Je secoue la tête pour lui faire comprendre que non, il retourne, la tête baissée, dans son panier.

Je descends les escaliers et enfile mes bottes en plastique avant de sortir. Elliot enfile à son tour ses bottes et son ciré et m’ouvre la porte d’entrée.

La pluie bat à tout rompt sur notre tête, nous courons à travers la route de terre pour rejoindre le grand bâtiment gris qui nous fait face. Les flaques d’eau sont nombreuses sur notre route déformée. Elliot m’arrête sur le bas-côté pour laisser passer les chars de l’armée de Terre qui tourne dans la ville. Je contourne les véhicules et, aveuglée par la pluie, je rejoins le trottoir d’en face.

Elliot me tire par la main pour franchir la grande porte du bâtiment. A l’intérieur, les bruits métalliques des chaînes résonnent. Le bâtiment est haut de plusieurs mètres et en ouvrant la porte, je vois les nombreuses rangées de couloirs qui se superposent, séparées et protégées par des grilles. Le bâtiment est un ancien entrepôt qui s’impose dans la ville comme un vestige du temps passé. Je suis mon ami pour traverser la grande porte en verre et longer un long couloir où des chaînes finies par des crochets pendent du plafond. Tout le bâtiment est sombre, privée de fenêtres. Nous voyons à peine grâce aux néons fixés maladroitement dans ce hangar.

Nous traversons un pseudo-marché, des femmes d’un certain âge vendent des marchandises sur des étalages poussiéreux. Les salades, cultivées sous serre et bourrées de produits chimiques pour compenser le manque de soleil, sont marron.

Avec précaution, à l’abri des regards, nous dévions sur la droite pour traverser un passage étroit sous des gouttières de zinc. Elliot s’assure que personne ne nous voit pendant que je passe. Puis, il me suit. L’eau coule à petites gouttes pour former une flaque sur le chemin et son bruit résonne entre les murs. Nous sommes entourés de toute part par des grillages rouillés et nos pas frôlent enfin le pont en acier que nous devons atteindre. De notre position secrète, nous pouvons voir l’immense hangar de toute sa sale splendeur.

Les Hommes s’activent en bas faisant passer la marchandise en bernant les autorités : des hommes armés et casqués. Les soldats nous cernent de toute part mais de notre perchoir, ils ne peuvent nous voir.

Elliot me pousse vers le petit tuyau qui nous sert d’observatoire. Je grimpe dedans, serrant mes jambes le plus possible contre mon corps. A quatre pattes, je me faufile dans le labyrinthe de gouttières pour arriver jusqu’à la bouche d’aération au-dessus de la salle de test.

Je passe de l’autre côté pour qu'Elliot puisse voir aussi à travers l’ouverture. La salle au-dessus de laquelle nous nous trouvons est immaculée, lumineuse et bien gardée. Les soldats sont aux quatre coins de la pièce et surveillent les faits et gestes des « candidats ».

Les jeunes de Cerest traversent un à un le grand portail lumineux censé détecter tous métaux et autres objets susceptibles de blesser ou de tuer. Puis, ils avancent dans un long couloir qui se finit par deux portes. Entre les deux ouvertures, un homme les attend pour leur lire un long paragraphe ; les « candidats » acquiescent sans hésitation après sa lecture. Cela fait des années qu’Elliot et moi venons à cette bouche d’aération pour observer le déroulement du test qui a lieu tous les mois, le même jour : le premier vendredi.

Nous sommes fascinés par l’obéissance des gens. Bientôt, nous leur ressemblerons lorsque nous aurons atteint 21 ans. Soit dans deux mois à peine.

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